Interview de Laura Bear, chercheuse dans l’équipe traitement du signal à l’institut Liryc. En parallèle de ses projets de recherche et des expérimentations qu’elle mène quotidiennement, la mission de Laura est de développer des outils pronostiques et thérapeutiques dans le cadre des principaux troubles électriques cardiaques tels que la fibrillation ventriculaire.
Quel est ton poste à Liryc ?
Je suis chercheuse dans l’équipe traitement du signal.
Quand as-tu rejoint Liryc ?
J’ai rejoint l’institut en 2014.
Sur quels projets travailles-tu ?
Mes recherches sont axées sur le développement d’outils pronostiques et thérapeutique dans le cadre des principaux troubles électriques cardiaques tels que la fibrillation ventriculaire et la dyssynchronie électrique lors d’insuffisance cardiaque. Je suis également intéressée par les problèmes directes et inverses, et en particulier par l’imagerie électrocardiographique non invasive (ECGI) et à son application à diverses arythmies cardiaques. Mon principal projet de recherche se concentre sur le développement de l’ECGI à travers une validation approfondie, afin qu’il devienne un outil Clinique assez puissant pour aider à comprendre les mécanismes derrière l’induction de la fibrillation ventriculaire (VF) chez les patients ayant un cœur structurellement normal, présentant pour autant un risque de mort cardiaque subite.
Quel a été ton parcours pour devenir ingénieure à Liryc ?
J’ai obtenu une licence d’ingénieur en 2009 au département des sciences de l’ingénierie de l’université d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, avec une spécialisation en ingénierie biomédical. Cela m’a permis d’acquérir de solides connaissances de base dans l’application des mathématiques et des sciences de l’ingénieur aux systèmes biologiques et à la physiologie humaine.
Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai suivi un doctorat à l’Institut de Bio-ingénierie d’Auckland. Mon projet de 4 ans portait sur la validation de l’ECGI pour la localisation du PVC à l’aide d’un ensemble de données expérimentales in vivo, une initiative qui n’avait jamais été réalisée auparavant.
Après mon doctorat, j’ai déménagé à Bordeaux pour un post-doctorat à l’Institut LIRYC. Liryc travaillait avec l’ECGI comme outil clinique mais cherchait quelqu’un pour améliorer les méthodes pour les pathologies spécifiques. J’ai choisi LIRYC pour appliquer mes méthodes à la clinique et aux patients.
Quelle est ta journée type ?
J’ai deux journées types: de bureau ou expérimentales. Les jours d’expérimentation, je suis au laboratoire pour recueillir les données dont j’ai besoin pour mes recherches. Les jours de bureau sont passés en partie sur mon ordinateur à analyser ces données et développer de nouveaux algorithmes afin d’extraire les informations que je souhaite, mais aussi en réunions avec d’autres chercheurs pour discuter de ces résultats et planifier les futures orientations de recherche.
Selon toi, quelles qualités/aptitudes faut-il avoir pour ton poste ?
De nombreuses compétences sont requises pour être chercheur. Penser de manière critique, être capable d’évaluer son travail et celui des autres, de porter des jugements sur la valeur des informations et de tirer des conclusions à partir des données. Un chercheur doit également avoir la capacité de résoudre des problèmes, car il est courant de travailler sans « bonne réponse » et il est toujours nécessaire d’élaborer des stratégies afin de trouver une solution. Les projets de recherche doivent être gérés, organisés, tout comme la charge de travail et la motivation, ce qui signifie que des compétences en matière de planification et de gestion de projet sont nécessaires. La nature autonome du travail signifie que vous devez avoir une forte éthique de travail et une efficacité personnelle qui vous prépare à un large éventail de possibilités stimulantes.
Quel est l’outil que tu utilises le plus au quotidien ?
Mon ordinateur.
Selon toi, est-ce difficile d’être une femme dans l’univers scientifique aujourd’hui ?
Les femmes jouent aujourd’hui un rôle croissant dans la recherche, mais il existe encore des obstacles qui nous empêchent d’atteindre une réussite comparable à celle des hommes. Alors que le sexisme « agressif » semble disparaitre, le sexisme « bienveillant » est encore très présent dans la recherche, jouant un rôle complexe et difficile à surmonter. Le sexisme bienveillant représente des évaluations du genre qui peuvent sembler subjectivement positives, mais qui sont en fait préjudiciables à l’égalité des sexes de manière plus générale.
Personnellement, j’ai rencontré ce type de sexisme à la fin de mon doctorat. Des collègues masculins m’ont dit qu’en tant que femme, mon parcours de recherche sera plus facile en raison des exigences administratives croissantes en matière de genre dans la recherche. Je suis d’accord pour dire que de l’extérieur, ces exigences semblent avantageuses. Cependant, ces exigences et les types de commentaires qui les accompagnent peuvent jouer un rôle préjudiciable sur le plan psychique. Elles remettent en question toute réussite dans votre carrière, et vous pousse à vous demander si vous méritez vraiment votre place, ou si vous n’êtes qu’un quota qu’il fallait atteindre.
D’autre part, la recherche a montré que nous nous devons non seulement d’être méticuleux et travailleurs, mais aussi d’être soutenus et encadrés pour avoir de la confiance et de l’optimisme, l’affirmation de soi et la bravoure ainsi que la capacité intellectuelle et technique de réussir dans la science. Or, dans l’état actuel des choses, le nombre de femmes scientifiques de haut niveau qui peuvent assumer ces rôles de mentor est faible, et il semble que ces exigences fondées sur le sexe soient nécessaires pour encourager davantage de femmes dans les sciences et l’ingénierie. Sans elles, nous voyons souvent des jurys de soutenance de doctorat entièrement masculins, des panels de conférence, des cours d’ingénierie, etc. qui, en tant que femme dans la recherche, sont très décourageants.
Dans l’état actuel des choses, être une femme dans la recherche est difficile et il ne semble pas y avoir de bonnes solutions pour aider à rectifier les inégalités du passé, qui ont établi l’environnement de la recherche, dominé par les hommes aujourd’hui.
Comment vois-tu la place des femmes dans la recherche dans 20 ans ?
Dans 20 ans j’espère voir les femmes sur un pied d’égalité en termes de représentation, sans qu’il soit nécessaire d’imposer des exigences légales fondées sur le sexe.